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L'heure, c'est l'heure. Avant l'heure, ce n'est pas encore l'heure. Après l'heure, ce n'est déjà plus l'heure. Et à en croire l'ordre du monde, nous aurons tous notre dernière heure. Elle viendra à nous, aussi sûrement que nous allons vers elle.

 

Et comme mon ami Billy* avait coutume de dire à ce propos : " Défions les augures : [...] Si mon heure est venue, elle n’est pas à venir ; si elle n’est pas à venir, elle est venue : que ce soit à présent ou pour plus tard, soyons prêts, voilà tout ".

 

Ma grand mère a passé la sienne. Hier. Une heure qui n'en finissait pas, une heure suspendu. Une heure aussi longue que les 83 ans d'une vie. Une heure de ma propre vie. Un heure, pour se préparer et le moment venu, être prêt.

Elle fut l'une des plus tristes que j'ai jamais vécu. Cette heure pendant laquelle montait les litanies lancinantes des prières. Les pleurs à peine retenus des femmes qui entouraient la mourante. Je restais là, à l’extérieur, sous la véranda à ma place habituel. Je fixais la grande horloge du salon. Les aiguilles couraient sur le cadran. Allaient-elles s’arrêter ? Non.

 

Le temps fuyait désespérément, et moi j'essayais de l’arrêter, de saisir cette dernière minute où la vieille femme expirerai. Je voulais la retenir. Mais en vain. Pendant tous ce temps infini, j'avais cette boule dans l'estomac qui grandissait. Un concentré extrême d'émotions refoulées, qui me prenait aux tripes, et bientôt à la gorge. Elle me rongeait de l'interieur.

 

Une douleur qui atteint son paroxysme au moment même, où les prières s'arrêtèrent. Le silence retenti alors, insupportable, assourdissant. Elle venait de partir. C’était son heure, à la seconde près. Il était 20h57. Une cruelle ponctualité.

 

Je n'étais pas prêt !

 

*William Shakespeare

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