Le long de la Route Bahamas - Homer Winslow - aquarelle

--Lettre oubliée--

 l'île Mascarin, Janvier 2009,

Chère [...]

[...] Voila donc c'est officiel, je commence à m'acclimater - certes je ne me sens pas encore chez moi - (y a t-il un endroit sur terre ou je me sente chez moi ? je l'ignore et je n'espere pas). Il aura fallu donc 3 mois pour pouvoir marcher dans les rues de St Denis, St Paul ou St Gilles, sans me sentir totalement étranger. Le rapport joue en ma faveur : 10 ans d'exil pour 3 mois de réadaptation, c'est pas mal.
Le soleil me brûle moins la peau, la chaleur me fait moins souffrir, je me sens plus à l'aise, et je me surprends à rire aux blagues des forains quand je fais le marché.
Cette île et ces habitants me sont de plus en plus familier et le fait que les choses me parraissent plus claires maintenant que je distingue mieux tout ces petits détails inhérents à la population.

Alors je marche, le front haut, le nez au vent, mon regard qui porte au loin, je regarde mes compatriotes dans les yeux, je les interpelle du regard... c'est que... je suis fier d'être mascarin et je veux le faire voir.( c'est absurde quand j'y repense... mais pas tant que ça).

Ce que je vois en observant plus dans les details la sociètè créole me reste en travers de la gorge. Quelque chose cloche, un air bizarre plane, "
il y a quelque chose de pourri au royaume" du margouillat. Mais oui... je vois à présent ! Nous sommes en 2009 ( je te souhaite une heureuse année au passage) et force est de constater que le model sociétal du systeme colonial perdure : Une poignée de blancs commande à une masse de noirs. Quand je regarde la société mascarine je m'aperçoit que ces dirigeants et élites sont tous (sauf en de bien trop rare exceptions) des extra-insulaires.

Comment !! N'existe t-il donc pas de leadership créole ? ou sont ces dirigeants locaux, ces fiers créoles à la tête de nos entreprises, investissant sur nos territoires pour les valoriser ? Je crois les avoir vue, ces esprits brillants sur les bancs de l'université, et des école de commerce, de gestion et de marketing, ou sont-ils à présent ? les a-t-on laisser leur chances ? je l'ignore... dans une ile ou  la reussite majeur est d'être fonctionnaire et non entrepreneur. N'a-t-on pas deja assez travailler pour l'état, qu'il lui faille encore sacrifier nos plus brillant cerveaux à etre sous employé derrière un guichet de l'hotel des impots ? on me répondra la sécurité de l'emploi...mentalité créole....
et je me rend compte que la socièté est ainsi. Le créole s'efface devant le gros zozo-col-blancs, il baisse la tête en disant : " oui missié", c'est à vomir !
Avons-nous donc perdu toute fièrté ? ou est l'affirmation de notre culture, de nos origines, sans honte ? est on capable de regarde le col-blanc droit dans le yeux, d'égal à égal, de s'asseoir avec lui à table et de ne rien lacher, et de ne pas se faire endormir par les belle paroles ?

Pouvons-nous être ferme et sans concession face à ces metropolitains et autres continentaux qui arrivent ici en pays conquis ? qui pourra se lever et dire haut et fort : NOUS NE SOMME PAS UNE
PROVINCE !!

Mais soyons honnête, je ne veux pas au "métro" qui viennent et qui se servent puisque cela leur ai permis, non, cela serai hypocrisie de ma part car il est fort probable que je ferai pareil. Non, j'en veux à mes frères créoles de se laisser ainsi mener par le bout du nez. J'en veux à mes frères d'avoir honte de ce qu'ils sont. Je leur en veux de ne pas vouloir se prendre en main et de présider à leur propre gouvernance. Enfin je les en veux de se croire inferieur, et incapable.

Ce sentiment d'inferiorité conditioné par des années d'esclavage et de colonialisme, ce reflexe quasi-pavlovien de baisser la tête et de courber l'échine face a un pouvoir economique central des lors qu'il porte un élégant costard-cravatte made in Paris tandis que nous sommes là, simplement vêtues d'un simple chemise en cotton froissé et d'un bertelle made in La Caz.
 Somme-nous à ce point impressionnable ?
Et il est de cette insupportable indolence créole, ce laisser aller presque permanent qui donne à certains "
zoreils" (terme non péjoratif, cependant qu'il faut ne pas mettre tous les zoreils dans le meme panier) l'impression d'être des seigneurs...

Ahh que j'envie les antillais, qui ont à leur manière repris en main leur affirmation, et ne se laisse plus désabusé par le métropolitain accapareur (que je differencie du métropolitain respectueux qui partage).
Mais dans l'île des voix s'élèvent, un peu comme la mienne dans cette lettre. elles dénoncent ce rapport inégale de dominant/dominé, ce rapport social qui renvoie à un système révolu (et pourtant).

Une forme de résistance s'organise à laquelle je prend part et qui consiste à s'affirmer, à ne pas baisser les yeux et à ne rien laisser passer à ceux qui pensent que l'île leur ai offerte. Car je me souviens que dans mon exil ( et j'ai retenu la leçon de 10 ans en europe) rien ne m'a été offert.

Il est donc fini le temps de la naîveté, de ce gout doucement amère de la "
goyave de France"  qui nous commandait d'offrir ce que nous avions de plus précieux aux civilisateurs blancs en échange de pacotilles.
J'appelle mes frères à faire l'experience du voyage, de se frotter à d'autre cultures, d'autres visions et mentalités pour apprendre leur vrai grande valeur et aussi pour comprendre qu'il est un trésor inestimable dont nous sommes les gardiens et qu'il est important de ne pas le brader au premier zozo venu.

Ce trésor qui fait notre identité, notre culture, notre âme : notre île. [...]

Bien à vous,


Jayce

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