Pollice verso - Jean-Léon Gérôme, Huile sur toile, 1872, Phoenix Art Museum

-- Lettre raturée--

l'île Mascarin, Août 2009

Chère [...]

Vous aviez raison, lorsque vous disiez que l'on n'échappe pas à son passé. le mien me rattrape chaque jour un peu plus, avec la peur et l'angoisse qu'elle draine. il me reste encore quelque longueur d'avance, mais pour combien de temps encore ?[...]  L'étau se resserre. Et vous avez mis le doigt sur un paradoxe délicat, pourquoi fuir ce qui nous rattrapera toujours ? Permettez que je ne réponde pas directeement à cette question et qu'en lieu et place d'une réponse, je vous parle de ce que je vis ici.

Voila des mois que je suis dans l'île, et  alors que je menais une existence solitaire, cachée à l'ombre de la grande toile, derrière cette lucarne lumineuse et anonyme, je sens que les choses commencent doucement à changer. [...] J'avais pris bien soin de ne pas m'exposer (ou si peu) au jugement des autres, non pas que je les redoute mais parce que je ne me sentais pas l'énergie et la fougue des les affronter. C'était reculer pour mieux sauter. Mais je sens qu'arrive le moment de faire le grand saut, de me lancer dans l'arène, de me battre en gladiateur résolu. Qui sait ce que je trouverai là-dehors dans le sable ocre et carmin du colisée ? des adversaires ? j'espère bien.... Des alliés de circonstance ? pourquoi pas. Ainsi je m'exposerai véritablement à la lumière du monde, moi le monstrueux embryon produit par la nuit et l'enfer. [...] Il est à propos de parler d'une île comme d'une arène, car une fois les guerriers au centre du cirque, plus rien n'existe en dehors, un peu comme tout ce bleu autour. [...]

Je sais que les prochain mois vont être crucial pour mon existence et l'idée que je m'en fait. Serai-je à la hauteur de mes aspirations. Je suis déjà aller tellement loin qu'aucun retour n'est possible. Il n'y a donc pas trente-six portes de sortie possible.  Et vous ne voyez pas ce dont je parle... ce n'est pas bien grave Madame, ces mots ne vous parlent pas si bien et autant que j'aimais à le faire autrefois. Je suis sot ( vous me l'avais dit parfois).[...]

"Ceux qui vont mourir vous salue"[...]

Bien à vous


Jayce  

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