"[...]

 Robin

Il est certain qu'elle et moi passons beaucoup de temps ensemble, et je te vois aujourd'hui comme un ami - comme il en est trés peu - et la confession de tes sentiments sur la nature de ma relation avec Heliodora , m'a fais réflechir et prendre une décision.

Farouk

J'espere avoir été de bonne influence, je connais Heliodora, et je vous aime tous les deux, je m'en voudrais de vous avoir fais douter ! mais à present dis moi quelle est donc ta décision ?

Robin

Non rassures-toi, mon ami, ta confidence a été révèlatrice et je n'attendais pas moins de toi. J'ai décidé de moins là voir. Notre complicité étant telle qu'elle lève parfois un doute sur notre relation aux yeux même de nos proches, et cette même complicité si particulière est un rempart entre elle et le monde. Et je ne puis supporter encore longtemps d'être ce voile d'illusions, cette tapisserie du coeur aux couleurs chatoyantes qui protège, enserre et soustrait des appetits qu'une jeune et si jolie femme comme elle peut susciter. Notre relation est un confort dans lequel nous nous sommes installés, il est illusoire, et ne panse en surface que nos plaies mutuelles sans les guerir en profondeur.

Farouk 

Comment ! la voir moins !!  mais vous vous aimez ?... dis moi ! tu l'aimes ?

Robin

Est-ce que je l'aime ? Pour sur que oui. j'ai pour elle un amour, presque fraternel et pas tout à fait incestueux. je suis le gardien de ses secrets, de ses peurs et ses espoirs. et pourtant, à vrai dire, je t'avoue qu'elle me séduit, elle est des plus belles et exquises et rares. Si bien que n'étant pas de son sang, rien ne fait obstacle à mon désir sauf bien sur cette volonte que j'ai de ne pas succomber. [...] Helas il est en moi, une ombre qui me guette à chaque instant passé en sa présence, et qui m'inspire de m'abandonner à des sentiment plus profonds à son égard. Nous ne sommes qu'amis alors que le monde nous voit amants, et une partie de moi voudrait être l'amant alors que l'autre, plus raisonnable, résiste et n'ose.

Farouk

Pourquoi resister Robin.. oses puisque tu l'aimes ! c'est tant mieux.. parle lui.. au bon train ou vont les choses elle t'aimeras sans doute en retour !! vous passez vos journées et vos nuits ensemble, cela ne serait pas si elle ne t'aimais pas... un peu...

Robin

Paix ! Paix.. je t'en prie ne pousse pas mon coeur à exulter plus qu'il ne doit !! Paix ! En verité mon ami, je me sens de te parler honnêtement, et de te dire sans fard le fond de ma pensée. Paix ! que je choisisse mes mots car je ne voudrais en parlant d'elle ne lui faire aucun tort !

Farouk

Parles Mon frère...

Robin.

Vois-tu, La belle Heliodora est un phoenix, céleste animal, qu'on ne peut seulement approcher, admirer; mais il déploie ses ailes et disparaît dés lors que l'on veut la mettre en cage. Et l'on ne compte plus les malheureux qui voulant trop s'approcher pour toucher une telle créature se sont brulé les doigts et l'âme.

Crois moi, pour pouvoir un jour convoler avec cet oiseau fabuleux, il faut être de la même especes. Et ils sont rares ceux qui enflamment le ciel de leur présence, de leur beauté. Helas je n'en suis pas. Mais j'ai assez de sagesse pour profiter de sa simple présence sans en demander plus.[...]

Et ce faisant, me voilà, pareil à un funambule sur la corde instable d'une amitié, en équilibre précaire dans la lumière des regards qui comptent. Je lutte pour ne pas tomber vers un supplice plus grand encore : celui d'aimer sans l'être en retour.


Farouck


Il me semble mon frère, que tu y tombes deja ! Sinon le pourquoi de ces mots ? sinon le pourquoi de ces maux ?


Robin


(à part) Vraiment ? (Silence) Vraiment. la confusion me gagne et pourtant tout cela semble si clair. je l'aime.. c'est vrai, mais je n'ose pas tout à fait l'aimer. 

Ô pauvre ciel de ne m'avoir pas fait phoenix, maudit soit-il ce funeste firmament de m'avoir fait laid et sage, si prompt à être l'ami au lieu de l'amant. Et Par l'enfer et toutes ces légions, j'échangerai volontier une éternité de sage amitié contre une seconde d'amour brûlant.[...]"



Extrait de "L'ironie du sort" de J. Coltrat
Acte II scène 3

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