Hier, dimanche, j'ai pris le bus de la ligne C, je venais à peine de m'asseoir un peu vers l'arrière du bus lorsqu'une jeune femme est entrée. Elle n'était pas belle, pas vraiment, mais elle avait cette chose à laquelle je suis très sensible : du charme, de l'élégance, une sensualité extraordinaire. Était-ce ses cheveux mouillés par la pluie, ou encore la ligne de ses épaules dénudées ?... Je n'en sais rien. Et comme pour exaucer un voeux prononcé à demi-mots, elle s'est assise dans la rangée d'en face un peu devant moi, si bien qu'elle était à porter de mon regard pendant presque tout le trajet. Elle m'attirait, je me sentais happé par elle. Et pourtant je me refusais de la regarder avec trop d'insistance pour deux raisons, la première étant qu'ayant conscience de n'être pas seul dans ce bus, je ne voulais pas passer pour le maniaque pervers du moment, la deuxième est que je ne peux résolument pas dévorer (même du regard) comme un glouton, le met délicat qu'il vous est donné de goûter subtilement.

 J'entrepris donc de l'observer discrètement, et me voila parti pour un très beau voyage, un peu malgré moi, vers quelque ou entière partie de ce corps que j'apercevais entre deux paysages que je feignais de regarder par les hublots. Un voyage, le long de ces jambes qui remontais vers une jupe rouge, ces hanches et ce ventre que je devinais sou un petit top noir, ce bras gauche posé sur un sac, cette main si fine, cette poitrine émouvante, cette bretelle qui semblait si fragile sur cette épaule encore humide. Ce visage de profil que je voyais pour la première fois. Ce regard plongé dans le vide des paysages qui défilent. A quoi pensait-elle ? A qui ? Tout, tout n'était que merveille et voyage en un endroit d'où je ne suis pas sûr d'être encore revenu.

Et pendant que ce bus avançait, au fil des arrêts, des montées et des descentes des autres voyageurs, il m'arrivait d'avoir peur de voir la jeune femme se lever et s'en aller. Une déception s'emparait de moi lorsque je voyais une agitation lui parcourir le corps comme pour se préparer à descendre. Un soulagement succédait alors en voyant qu'elle restait. mon voyage au long court de cette dame pouvait continuait, sereinement. j'épiai le moindre de ses gestes élégants, simples, banals.

Et comme tout a une fin, même les plus beaux voyages, il fallut que non pas elle, mais que ce soit moi qui descende car j'étais arrivé à destination : St Gilles-les-bains

J'ai regardé le bus s'éloigner pendant une longue minute, ému et un peu triste. J'ai, dans mon coeur encore un peu ailleurs, pensé à cette inconnue toute la journée et me suis dit qu'il y a, comme ça, des femmes qui vous font voyager sans vous faire bouger de votre place et vous emmènent bien plus loin que là où vous espériez aller.

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