Rivage d'une mer turquoise - Albert Bierstadt - 1878- Huile sur toile

--Lettre interrompue--

Santa Apollonia, Mars 2009

Chère [...]

 Alors que le navire faisait nauvrage, une vague bienheureuse m'a ramené sur le rivage d'une île étrangement famillière et que je découvre pourtant [...]

Comment décrire le plaisir que j'ai eu a te lire ? ce fut une joie immense, les souvenirs que tu évoquais alors m'ont bouleversé et je revois avec émotion les bons moments que nous passâmes ensemble, les enfants, toi et moi...
 Tu me manques, mais, malgré la nostalgie,  je ne regrette rien car ici m'attendent de nouvelles aventures qui je l'espère auront la même saveur que les nôtres. [...]

Je suis en ce moment en plein travail. Ca t'étonne ? moi aussi. Depuis mon retour j'ai l'impression de m'être reconcilié une part de moi même, une partie de mon identité, qui même si elle n'avait pas été oubliée, avait été mise de coté. Je redécouvre des textes, des chansons magnifiques que je dédaignais autrefois.
 
J'ai l'impression d'être pris dans une étrange dimension, un tourbillon immense où tous ce que je perçois comme message, comme oeuvre me touche à un point extrême. Je redécouvre le plaisir d'écrire en créole. Je me replonge dans mon enfance et retrouve des thèmes aussi futiles que furieusement essentiels.
Je retrouve avec joie et gourmandise, les textes d'Alain Peters (poète fabuleux), Jean Albany, Lacaussade, et les autres tendres enfants de Célimène.
[...]
Un sens nouveau naît alors.

Tout comme le fait , et je réalise aujourd'hui,que j'écoute bien volontiers du séga et du maloya, genres musicaux que je délaissait gravement quand j'étais plus jeune et qui me narguent a présent.j'ai l'impression d'avoir raté beaucoup de choses, mais j'ai un féroce apétit à rattraper le temps perdu.

 A moi, Maxime Laope, Firmin Viry, Michel Admet, Gramoune lélé et les autres ! autant de noms qui ne te disent sans doute pas grand chose, mais voici des hommes (et des femmes) qui entre dans mon Panthéon, et siège désormais aux cotés des Brassens, Marley, Coltrane, Verlaine, Hugo.
Il me reste encore beaucoup de travail à abattre pour lire, comprendre, m'imprégner de ces auteurs magnifiques, mes nouveaux maîtres.
  
Et en bon élève que j'essaie d'être, évoquant au début de cette lettre d'émouvant sourvenirs, je te livre un extrait d'un poème que je te dédie....

[...]
"T'en souvient-il ? assis aux bords de la colline,
Par un beau soir de mai, nous rêvions tous les deux ;
Un souffle tiède et pur embaumait ta poitrine,
Mais des larmes voilaient tes yeux tristes et bleus.
Ton pâle et doux sourire à mes regards de frère
Révélait de ton cœur le douloureux mystère :
D'un sort cruel déjà nous subissions la loi.
A confondre nos pleurs j'ai trouvé bien des charmes !
Que m'importe aujourd'hui l'amertume des larmes,
J'ai connu la douceur de pleurer avec toi !
 [...]"

A.Lacaussade, "A une femme" 
Extrait du receuil "Les salaziennes" 1839



Bien à vous,


Jayce 

 

 

 

Retour à l'accueil